Deux semaines avec le W995. Une tentation s’empare de moi : comparer le W995 au N95, dont il reprend finalement une foule de caractéristiques, deux ans plus tard. Tout y est, comme si la gamme Cybershot/Walkman avait atteint un point culminant, avant de passer à autre chose. Tient-il ses promesses ? La plupart.  Va-t-il connaître un succès ?  Si son prix est raisonnable et baisse un peu, oui.   Sony Ericsson le sait, le marché est déjà passé à autre chose.

Depuis le K750, la famille Cybershot et Walkman a connu une évolution tranquille, couronnée par un succès mérité à ses débuts. Ont suivi les W800, W810, W910, K800, W910, K850, etc. En quatre années, l’interface développée par Sony Ericsson pour ses mobiles a grandi de manière sereine. Avec une attention portée au rendu sonore – une intégration intelligente de la marque Walkman et celle, plus récente, de Clear Audio/Bass -, ainsi qu’une communication très forte sur les capacités photo héritées de la marque Cybershot de Sony.

Une évolution tranquille, peut-être trop, face à des concurrents rivalisant d’efforts pour se faire une place au soleil sur ce créneau grisant de la musique et de la photo/vidéo mobile : Nokia, Samsung, LG. Jusqu’à dépasser le maître, rapidement, très rapidement.

Aujourd’hui, Sony Ericsson lance un W995… deux années après le N95 de Nokia, un capteur 8 Mpx en guise de supplément d’âme. Le modèle gris dont je dispose depuis bientôt deux semaines fait d’ailleurs étrangement penser au « best seller » de Nokia, jusqu’à son écran.

Annoncé début 2009 comme un terminal de fusion entre toutes les marques et technologies embarquées depuis 2005 dans les « feature-phones » de Sony Ericsson, le W995 fait petit à petit son apparition dans les étalages estivaux. A un prix élevé : comptez entre 400 et 460 euros TTC, alors que son prix aurait dû se situer entre 350 et 400 euros. On appelle ça l’effet nouveauté et son prix devrait rapidement baisser.  D’ailleurs, le prix conseillé officiel est de « – de 400 euros ».

Le W995 a de quoi séduire, sur papier déjà. Clavier coulissant particulièrement bien pensé et pratique (pour la rédaction de messages notamment), robe sexy classe « Vaio », connectique 3,5 mm pour le casque (une première chez le constructeur en dehors du X1), capteur 8 mégapixels avec autofocus, Walkman dernière génération, HSUPA, Wi-Fi, touches de commande du baladeur, touche photo, touche de raccourcis, etc. Un sans-faute technologique.

Mon objectif n’est pas ici de proposer un test de l’appareil. Ceux-ci sont déjà bien nombreux sur la toile, mais une impression peut-être plus subjective et personnelle sur le terminal.

Le multimédia au peigne fin

  1. D’un point de vue de la musique tout d’abord. J’en consomme beaucoup (musique et podcasts) depuis le W800. Le lecteur multimédia Walkman du W995 ne me semble pas connaître d’équivalent sur le marché à l’heure actuelle.

    Le menu média, hérité de la PS3 et de la PSP, propose un accès aisé, intuitif et esthétique à ses fichiers mulitmédia : photos, vidéos, musique. Les podcasts – audio et vidéo – sont rangés dans une catégorie ad hoc du menu. Le son est puissant ; les écouteurs embarqués offrent un rendu sonore évolué et fin ; les réglages « Clear Audio » une qualité de traitement de son à mon sens incomparable sur un mobile. Le son ne sature pas, les basses sont restituées avec beaucoup de finesse. Sony n’a plus à faire ses preuves dans le domaine.

    Le menu média reste souvent un peu lent et capricieux – le firmware actuel peut expliquer ces « lags » réguliers, qui peuvent survenir tant lors du passage d’un titre à l’autre que dans l’accès à l’un ou l’autre sous-menu. La Radio FM RDS reste un appréciable petit « plus », mais elle devrait logiquement intégrer ce « PSP Menu ».

    La synchronisation s’effectue via MediaGo (pour Windows) et Sony Ericsson Media Sync sur Mac (en cours de finalisation par DivineRobot).

    Dommage également, l’offre vidéo (60 films gratuits, comme aux Pays-Bas) n’est pas proposée en Belgique pour des raisons…  compliquées et liées à l’environnement obscur du secteur dans notre pays.

  2. D’un point de vue de la photo ensuite. Le capteur 8 Mpx pourrait tenir ses promesses. Il n’est pas à la hauteur, autant le dire d’emblée. J’ai pris soin de photographier deux objets dans des conditions identiques, tout d’abord avec un Nikon D70S (6 Mpx), ensuite avec le W995 (voir ci-dessous). Réglages identiques : automatique pour la photo en extérieur, macro pour la photo en intérieur. La seconde présente du bruit et des couleurs fades. La photo prise en extérieure affiche un voile. Il est permanent sauf lors de la prise de photos en macro, dans un environnement où la lumière est idéale – cas rare -. Le résultat est, dans l’état actuel du firmware, encore décevant.

    Quant aux photos lorsque le Flash est nécessaire  – soir, intérieur, fête -, gare aux mauvaises surprises et au bruit.  Il faudra vous armer d’un peu de connaissances en réglages pour obtenir des clichés dignes des promesses faites par le constructeur.

    Le C905 offre un rendu nettement supérieur. Gageons que ce point sera amélioré par les mises à jour, comme souvent chez le constructeur (l’optimisation vient toujours un peu tard après sa sortie). Pour l’heure, trop de bruit, trop de voile, couleurs parfois fades.   Quelques exemples de photos : « OK », mais … pourrait nettement mieux faire avec un capteur aussi évolué.

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    Nikon D70s

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    W995

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    Nikon D70S

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    W995

  3. D’un point de vue du web mobile. La connectique HSUPA/WiFi permet de surfer à des vitesses élevées. Le Wifi est de norme « g » et la 3G de norme HSUPA. Dans les faits, les vitesse observées en conditions optimales sont de 3 à 4 Mbps en WiFi et 2 Mbps en HSUPA (Bruxelles, site HSUPA, réception de 95%).

    Le navigateur, Netfront ne fait plus le poids. Il permet de consulter des sites formatés WAP 2, mais la résolution de l’appareil ne peut suivre l’évolution des sites mobiles, qui sont passés à une génération plus complexe depuis l’apparition de Safari Mobile, S60 Browser, Opera 9.5, etc. Pas de Flash, pas (ou peu) de Javascript.

    Le client courriel est un modèle du genre : simple à configurer, simple à utiliser. Quant à l’intégration de Microsoft Exchange et SyncML, elle permet de disposer de son courrier électronique, son agenda et son carnet d’adresses synchronisé en permanence, notamment avec Google Sync ou les serveurs Exchange d’entreprise. Le push est supporté.

Trop tard, mais bien essayé

D’un point de vue global enfin. C’est un terminal agréable, qui se remarque lorsqu’il est déposé à table. Il a été bien pensé, bien conçu. Il offre ainsi sans doute une très belle fin de carrière à une génération de terminaux qui aura vécu plus de 5 ans. Mais il arrive tard, très tard.

Le W995 est le N95 de Sony Ericsson, l’évolutivité Symbian en moins. Il aurait dû sortir en 2007. A cette époque, Sony Ericsson disposait déjà des atouts technologiques nécessaires à sa conception. Ses 8 mégapixels sont à vrai dire un argument markéting. Les résultats photo devront être améliorés. Ils sont médiocres par rapport aux promesses faites sur papier. Quant au GPS, il est couplé à Google Maps et une version d’essai de Wayfinder, laquelle télécharge les cartes via la connexion web mobile. Rien à dire : rapide, stable, pratique. Mais qui va, au-delà de la période d’essai, prolonger l’abonnement et surtout payer pour télécharger des cartes à la volée ? La carte 8 GB intégrée pourrait déjà contenir les cartes du Benelux, voire d’Europe, sans faire appel à la connexion web mobile.

Fin 2009, Aino prendra le relai. Il offrira à cette belle et simple interface une dimension tactile inédite. D’ici là, le W995 fait figure de fusion technologique imparfaite, mais preuve de la très grande maîtrise de Sony dans le domaine du multimédia mobile.

Il serait hasardeux de comparer un iPod Touch ou un iPhone avec le W995. Ils ne jouent pas dans la même catégorie et iTunes conserve une très nette avance en matière de gestion/achat de la musique mobile, car Playnow (service de téléchargement maison est géré par le biais d’une page web encore lente).

Le W995 ne devrait pas être un succès de ventes. Il arrive tard et les tentations sont nombreuses. Il a tout ce qu’il faut pour connaître un succès d’estime et donner à Sony Ericsson un encouragement à passer à autre chose, en conservant précieusement cet acquis qualitatif. Son prix est trop élevé chez certains marchands (450 euros environ), alors que le prix conseillé est de moins de 400 euros chez le constructeur, pour la Belgique.   Il doit baisser à 350 euros.

Inutile de tirer sur l’ambulance : jamais un terminal de ce type chez S.E. n’avait été aussi stable à sa sortie d’usine.   Il est d’ailleurs cette semaine le terminal le plus vendu en Grande Bretagne en « postpay ».

Lien : W995 sur le site de Sony Ericsson