Qui peut aujourd’hui faire face au Nokia N95 ?
La déontologie commande généralement d’observer un certain recul à la sortie d’un produit commercial. Il faut pourtant appliquer au terminal un qualificatif de « leader technologique » au risque de s’attirer les foudres. C’est que le dernier « multimedia computer » de Nokia place très haut la barre de la concentration technologique, même s’il n’est pas exempt de défauts gênants, à commencer par son autonomie. A qui s’adresse-t-il ? Où en sont ses concurrents directs ?
L’appareil n’est pas exempt de défauts. Rassurons ceux qui soupçonnent ici un parti pris. Citions tout d’abord l’autonomie limitée (36 heures) et un certain jeu dans la prise en main de l’appareil après quelques semaines (claviers coulissants).
Il est certain qu’une dépense d’environ 700 euros ne relève pas d’une décision anodine, tout comme il est certain que peu d’utilisateurs peuvent aujourd’hui justifier d’un besoin immédiat des réseaux HSDPA ou de l’intégration du GPS dans un mobile. Non, il n’est certainement pas indispensable qu’une telle orgie de fonctionnalités se retrouve dans la poche du premier venu, mais, à quelques mois de l’arrivée de l’iPhone, cette démonstration de force technologique semble ouvrir la voie d’une banalisation plutôt positive à moyen terme de ces « composants ». Les constructeurs ont aujourd’hui à leur disposition quelques cartouches leur permettant de combiner dans des appareils de plus en plus compacts des fonctionnalités.
Face à des entreprises agressives comme HTC ou Samsung, rien n’est laissé au hasard par le premier constructeur mondial de téléphones mobiles : la sortie du N95 est d’ailleurs dotée d’une campagne en ligne virale très importante et bien pensée, couplée à une opération de séduction opérée auprès des revendeurs. Un vendeur me confiait ce samedi : « La commerciale de Nokia est passée chez nous ce matin. Je n’avais qu’une seule envie après son départ : m’acheter ce téléphone. »
Sur Internet, Nokia communique et fait communiquer ses utilisateurs : un blog dédié aux NSeries rédigé dans les deux langues nationales permet d’attirer des consommateurs vers les mobiles NSeries et informe au jour le jour les « happy few » disposant déjà des derniers terminaux. Bien observé. Finement joué.
Il est certain que le principal concurrent de Nokia sur le terrain de la convergence numérique était jusqu’ici SonyEricsson, mais le constructeur semble aujourd’hui privilégier une évolution peu sensible de ses gammes en jouant un rôle de smart follower, jouissant toujours de la force markéting de ses marques : Walkman, Cybershot. La plupart des modèles annoncées par SonyEricsson pour l’année 2007 n’offrent que de légers toilettages d’une gamme bien rodée. Aucun modèle ne rivalise avec le Nokia N95.
Ailleurs ? Samsung semble désormais prendre une certaine avance sur SonyEricsson. Plusieurs gammes évoluent rapidement : des smartphones comme le i600 sont déjà en phase avec les réseaux 3G+ ; l’U600 et son successeur HSDPA, l’U700 semblent donner un coup de vieux au K8xx de SonyEricsson. Si l’interface était le principal point faible de Samsung sur ce terrain, les avancées sont rapides et fascinantes.
Du côté de HTC, la cible principale reste, Windows Mobile oblige, le professionnel. Malgré une tentative de séduction des masses avec un modèle comme le S320, HTC doit aujourd’hui apprendre à surmonter plusieurs freins à une large adoption : une image peu conviviale, un système d’exploitation complexe, quelques difficultés avec l’esthétique globale des terminaux pour le large public.
La méthode Apple : logiciels et matériel maison.
Le système ne serait qu’une coquille assez vide sans une logithèque séduisante. Le nombre de terminaux S60 disponibles et une politique de séduction auprès des développeurs (notamment ceux du Libre) permettent aujourd’hui à Nokia d’attirer une offre de logiciels tiers très complète. Seul Windows Mobile peut se targuer d’une loigithèque plus étendue. Pour rendre son offre d’applications et de service la plus séduisante possible, Nokia développe un navigateur Internet robuste – basée sur un moteur ouvert -, un client de podcasting, un logiciel de recherche en ligne (il serait temps que des opérateurs comme les Pages d’Or s’y mettent en Belgique !) et des fonctionnalités d’envoi de photos ou de vidéos vers des services de stockage en ligne.
A l’image d’Apple, Nokia maîtrise désormais toute la chaîne, du matériel au logiciel.
Qui peut donc rivaliser ? SonyEricsson et un UIQ pauvre en rejetons logiciels ? Samsung ? Motorola et un Java/Linux encore très austère ? A l’évidence, seul Windows Mobile surpasse Symbian à l’heure qu’il est.
Seule crainte ? Son autonomie d’une journée obligera tôt ou tard à acheter une seconde batterie en cas d’utilisation intensive ou prolongée. Samsung à ce jeu-là a trouvé la parade : offrir une 2e batterie pour pallier aux problèmes d’autonomie désastreuse de ses mobiles… A n’en pas douter ce seront là les chantiers prochains qui attendent les N81 et N82 pour la fin de l’année.
La suite pour Symbian ? L’arrivée d’interfaces tactiles inspirées par l’iPod (TWUIK ou d’autres) obligera Nokia et les constructeurs proposant S60 à travailler en profondeur l’apparence et la réactivité du système d’exploitation. Il est certain qu’être leader technologique ne suffira pas pour la suite. Et à ce jeu, la stratégie smart follower de SonyEricsson n’est certainement pas un signe de faiblesse irréfléchi…